Mayenne : nouveau projet, nouvelle ville.
Depuis de nombreuses années, la situation du centre-ville de Mayenne est au cœur des préoccupation des habitants. En effet, chacun constate la dévitalisation du centre-ville caractérisée principalement par la vacance commerciale.
Mais ce phénomène n’explique pas à lui seul l’abandon du centre-ville, la question de la mobilité, de l’aménagement urbain et du logement sont aussi des facteurs à prendre en compte.
Le soir de son élection, la majorité municipale a promis de « réenchanter le centre-ville de Mayenne ». Force est de constater, qu’à mi-mandat, la magie n’opère pas.
La première mesure prise par la majorité municipale a été la suivante : donner à voir aux Mayennaises et aux Mayennais. Un travail a été mené sur l’animation du centre-ville, notamment pendant la période de Noël et l’été sur la Cale, objectif partagé par chacune des listes aux élections municipales. Sur ce point, il est indéniable que Mayenne a retrouvé une forme de convivialité et les habitants répondent présents.
Ensuite, la décoration urbaine a été repensée. Des papillons ont orné la rue Aristide Briand et la place du 9 juin 1944, puis la rue Charles de Gaulles. Des pavés ont été peints de toutes les couleurs. Ces mesures ont un avantage pour la majorité : elles se voient donc elles laissent à penser que le centre-ville change. Mais ces mesures ont-elles permis d’améliorer la situation ? Ont-elles participé à à la revitalisation du commerce ? La réponse est non.
L’animation et la décoration urbaine ne sont utiles que si elles sont intégrées à une stratégie globale de développement et d’aménagement urbain. Et là, le compte n’y est pas.
Le centre-ville de Mayenne n’a pas changé de physionomie depuis plus de 20 ans. Or, en 20 ans, les pratiques changent et la population vieillit. La pyramide des âges de notre ville pose un constat implacable : plus d’un habitant de Mayenne sur deux a plus de 60 ans. Nous constatons que l’aménagement du centre-ville n’est plus adapté à celles et ceux qui sont concernées par des difficultés de mobilité, notamment la mobilité piétonne. Or, rappelons que la collectivité est soumise à des obligations d’accessibilité, notamment pour les Personnes à Mobilité Réduite (PMR).
Aujourd’hui, circuler à pied dans Mayenne relève d’un parcours du combattant. Les trottoirs sont étroits et mal entretenus donc dangereux. Qu’il s’agisse des rue Aristide Briand, Jules Ferry ou du 130ème Régiment d’Infanterie, une personne à mobilité réduite ne peut pas croiser une famille avec poussette, obligeant à descendre sur la chaussée. Ce n’est pas acceptable, d’autant plus que la mobilité piétonne est une des obligations de l’Opération de Revitalisation du Territoire (ORT) signée par la Ville en 2022.
Or, les seuls travaux d’accessibilité opérés depuis le début de mandat concernent, aussi nécessaires soient-ils, concernent des bâtiments publics. Il est temps que la municipalité s’attache à faire du centre-ville de Mayenne un espace où chacun a sa place. L’accessibilité est aussi une question de collectif et de lien social.
Le début du mandat est marqué par des actions autour de la mobilité cyclable. Le vélo a clairement été priorisé par la majorité municipale. C’est en effet important car cela participe à décarboner nos déplacements. Mais encore faut-il proposer des aménagements cohérents, sécurisés, adaptés à la réalité des usages et de la topographie. Il est illusoire de penser que l’offre créé la demande.
Cela fait 2 ans qu’un chaussidou a été aménagé rue du Prieuré de Berne. En plus d’avoir mal communiqué sur son usage, nous constatons qu’un nombre infime de cyclistes l’utilisent. Était-ce la meilleure solution ? Les élus de la majorité eux-mêmes s’accordent sur le fait que cet aménagement est inutile et inapproprié à cette rue ! La réflexion arrive bien tard…
Le Schéma de Mobilité Simplifié, adopté par Mayenne Communauté, a défini des axes prioritaires pour aménager des pistes cyclables. La majorité d’entre elles sont sur les axes principaux de la ville et non dans l’hyper centre qui, lui, est concerné par le double sens cyclable. Or, ce double sens cyclable est le plus souvent formalisé par des panneaux aux entrées de rue, pas assez à l’aide d’un marquage au sol qui sécuriserait à la fois le cycliste et l’automobiliste.
Quant à la mobilité collective, il n’y a aucune avancée significative. Aujourd’hui, le transport collectif de Mayenne est financé par les entreprises de plus de 11 salariés sur l’ensemble du territoire de Mayenne Communauté alors que ce service ne circule qu’à Mayenne avec des horaires inadaptés. En effet, le May’Bus roule exclusivement l’après-midi du lundi au samedi, sauf une boucle le matin pour les établissements scolaires. Depuis le début du mandat, nous demandons une étude sérieuse sur un transport en commun à la journée. Cela concerne directement l’activité économique du centre-ville.
Comme beaucoup de centres-villes, Mayenne connaît des difficultés de désertification commerciales. De nombreuses cellules commerciales sont vides et les nouveaux magasins restent finalement ouvert très peu de temps. Les consommateurs ont leur part de responsabilité car les habitudes de consommation ont changé, notamment avec la concurrence de la vente par Internet et du développement de l’offre commerciale en périphérie. L’inflation est aussi une des raisons de ce phénomène. On voit donc que l’offre commerciale est soumise à des mutations qui l’empêche de se réguler seule. Charge à la collectivité d’être force de propositions et d’initiatives. Celle-ci s’est d’ailleurs rapprochée de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) pour l’élaboration d’un schéma commercial… mais avec 10 ans de retard ! Les difficultés ne datent pas d’hier et les propositions avancées jusque là sont très en deçà des enjeux.
Plusieurs projets peuvent être menés. Lors des élections municipales, nous avions proposé la mise en place de boutiques à l’essai (une sur chaque rive) pour permettre à des porteurs de projet de jauger l’opportunité d’une implantation de leur commerce. Annoncées par Mayenne Communauté il y a près de 2 ans, ces boutiques n’ont toujours pas vu le jour. Aussi, plutôt que de peindre les vitrines vides (ce qui revient ni plus ni moins à un cache-misère), soyons courageux en actionnant des outils qui existent déjà mais qui ne sont pas mis en place, notamment la taxe sur les locaux commerciaux vacants.
Enfin, il est nécessaire de voir le mode d’accompagnement par le manageur de commerce et la CCI . Au regard des réalités des modes de consommation, peut-être serait-il pertinent d’accompagner les commerçants vers une réorientation de leurs produits, voire un regroupement de plusieurs porteurs de projets dans un même local pour mutualiser les charges et répondre à la problématique de vacance.
Quand on pense centre-ville, on pense prioritairement au commerce. Mais un centre-ville, c’est aussi un espace dans lequel des Mayennaises et des Mayennais vivent. En cela, la question du logement est primordiale. Des opérateurs tels que Mayenne Habitat et Méduane ont lancé des projets immobiliers à venir, certes pas en hyper centre mais en proximité. C’est déjà un bon début. Mais la difficulté reste la vétusté des biens immobiliers en hyper centre, avec les problématiques de sécurité, de précarité énergétique et de vacance de longue durée.
Rappelons que Mayenne Communauté a lancé en juillet 2021 une Opération d’Amélioration de l’Habitat – Renouvellement Urbain (OPAH-RU), avec la participation des services de l’État et de l’Agence Nationale de l’Habitat (APAH) qui octroie des subventions. L’objectif est de mettre en œuvre un dispositif d’incitations financières pour la réhabilitation du parc privés des propriétaires, dans la mesure où la collectivité accompagne cet investissement par des mesures sur l’espace public pour améliorer le cadre de vie des habitations. Où en est-on aujourd’hui ? Nous n’avons que très peu de visibilité sur la communication faite de ce dispositif et de son suivi alors que c’est un sujet primordial.
Quelles réponses devons-nous porter pour répondre aux nombreuses difficultés du centre-ville ? Nous l’avons vu, des outils existent déjà, il suffit juste de les actionner… et d’avoir un peu de courage politique ! Mais les outils pris individuellement ne serviront à rien s’ils ne sont pas inclus dans une stratégie globale de d’aménagement urbain et d’attractivité du territoire. Et c’est ce qui manque terriblement à Mayenne.
Contrairement aux territoires voisins, la Ville de Mayenne et Mayenne Communauté n’ont pas défini et adopté de projet de territoire en début de mandat. C’est pourtant la colonne vertébrale de l’action publique.
Concernant le centre-ville, nous ne connaissons pas la stratégie de la majorité municipale. D’autres collectivités ont fait des choix audacieux. Prenons l’exemple de la Ville de Laval qui s’est lancée dans un vaste projet de réaménagement de la place du 11 novembre. Sans juger de la pertinence du projet en lui-même, il y a une chose qu’on ne peut pas enlever à la majorité lavalloise : elle a une vision ! Elle sait où elle veut aller, elle sait quel centre-ville elle veut pour les 10 à 20 ans à venir. Qu’on soit d’accord avec ou non, cela s’appelle de la stratégie d’aménagement urbain.
A Mayenne, on se contente de mettre en place un jardin éphémère à 40 000 € pour 3 mois sur la place Clémenceau, sans concerter les commerçants ni les habitants. Est-ce là la stratégie d’aménagement urbain de notre majorité municipale ? Beaucoup de choses ont été dites sur cet aménagement, nous avons exposé nos points de désaccord à de nombreuses reprises, qu’il s’agisse des conséquences économiques pour les commerçants, des problématiques de stationnement ou du non-sens écologique des arbres en pot. Tout cela manque cruellement de courage politique car, être élu, c’est assumer sa fonction en faisant preuve d’audace au bénéfice des habitants avec une vision à long terme. Au risque de déplaire car un réaménagement du centre-ville passe nécessairement par des travaux d’ampleur.
Mais que voulons-nous vraiment ? Une ville qui met en place des mesurettes idéologiques en trompe l’œil pour faire plaisir à un électorat ou une ville qui assume son rôle de centralité par un aménagement urbain modernisé et repensé ? Car, le sujet n’est pas seulement la ville de Mayenne, c’est sa place et son rayonnement dans le Nord-Mayenne qui est en jeu, son essor démographie et son attractivité économique.
Le centre-ville est au cœur de cette stratégie. Encore faut-il que nous fassions preuve de réactivité car, sans le tissu économique avec les revenus disponibles pour consommer en centre-ville, nos efforts seront vains.
Osons, soyons courageux pour faire du centre-ville de Mayenne le moteur de l’attractivité de notre territoire.
Rédaction : décembre 2023