Mayenne : nouveau projet, nouvelle ville.
La démocratie participative est ce qu’on peut communément appeler une politique publique « à la mode ». De très nombreuses collectivités font le pari d’inclure leurs habitants dans le processus de réflexion. Le principe est intéressant car il vise à inciter la population à prendre part à la chose publique en dehors des temps électoraux.
La subtilité réside en sa coexistence avec la démocratie représentative, c’est-à-dire les élus qui ont été désignés pour appliquer un programme. Entre démocratie participative et démocratie représentative, il y a un enjeu d’exercice du pouvoir. Qui décide ? Avec qui ? Comment envisager son mandat ? Tour d’horizon de la situation à Mayenne.
La majorité municipale a engagé une démarche de consultation citoyenne spécifiquement sur le sujet du centre-ville de Mayenne. Avec l’aide d’un cabinet spécialisé (était-ce vraiment nécessaire ?), les élus ont procédé à un tirage au sort sur les listes électorales, sollicité les personnes concernées et, selon les réponses, validé la constitution d’un groupe de 25 personnes censé être représentatif de la population. Est-ce vraiment la réalité ?
Il est important de noter que, parmi les 25 membres du jury citoyen, seuls 12 d’entre eux habitent Mayenne, les autres habitant en première et deuxième couronne. Les 12 Mayennais représentent donc… 0,1% de la population municipale ! Aussi, les employés et retraités y sont surreprésentés, il n’y a aucun agriculteur ni artisan et 1 seul membre a moins de 29 ans. La représentativité défendue est-elle atteinte ? Très clairement, la réponse est non. Cela n’enlève en rien à l’investissement, à l’engagement et à la motivation du jury citoyen.
Ces derniers ont bénéficié de 3 weekends de formation dont on peut interroger le caractère objectif sur certains aspects, notamment quand des ateliers sont dirigés par le directeur de cabinet du Maire. Cela aurait mérité plus de neutralité. 48 propositions ont ensuite été formulées et présentées lors d’une réunion publique, certaines d’entre elles rejoignent des préconisations issues des programmes des dernières élections municipales. Une fois les propositions émises se pose cette question : et après, qui décide ?
Le cas le plus parlant est celui du jardin éphémère testé à l’été 2023 sur la place Clemenceau. La végétalisation de cette place faisait partie des préconisations du jury citoyen mais était préalablement dans les tiroirs de la majorité municipale. Ce projet a suscité de très nombreux débats. A chaque interrogation, la majorité s’est retranchée derrière l’avis du jury citoyen.
C’est là que le principe de démocratie participative est dévoyé. Bien qu’aiguillées et éclairées par le jury citoyen, les décisions doivent être assumées comme des décisions politiques. In fine, c’est aux élus de décider, c’est tout le principe d’une élection. Avec le jardin éphémère, la majorité municipale utilise le jury citoyen comme un moyen de se déresponsabiliser.
Nous regrettons cette approche qui discrédite l’expertise et la démocratie représentative.
Comme de très nombreuses collectivités, la Ville de Mayenne a lancé son premier budget participatif en 2021 pour permettre aux habitants de réaliser des projets d’intérêt collectif en y allouant 50 000 €. Là encore, l’idée est intéressante et pertinente sur le papier. L’effet de nouveauté a bien fonctionné pour la première édition puisque 26 dossiers ont été déposés. 7 ont été retenus et soumis au vote des citoyens. Plus de 300 habitants ont participé à la consultation. C’est le projet d’aire de jeu et de fit park porté par Pierre LOYER et Ghiles FOUGERAY qui a largement été plébiscité. Il devait voir le jour en 2022… La municipalité s’est ensuite heurté au travail de fond et à la demande répétée des lauréats d’avancer dans le dossier. Des réunions ont été fixées, puis décalées, puis redécalées… Le projet initial a dû être revu à la baisse car le périmètre budgétaire n’avait pas été correctement ficelé, l’emplacement revu à de nombreuses reprises. Résultat : l’aire de jeu et le fit park ont été inaugurés en juillet 2023 entre les résidences Leny Escudero et le Grand Nord mais dans une version bien moins ambitieuse qu’annoncée.
Nous saluons l’initiative et l’engagement de Pierre LOYER qui aurait mérité mieux.
La 2ème édition du budget participatif a définitivement eu raison de la ténacité de la majorité municipale. Avec une communication moins performante, le nombre de dossiers déposés a fortement diminué pour atteindre 3 projets soumis au vote de la population. C’est le projet de « Vélo pour tous » de Samuel CHEVAL et Claude TREHARD qui a été désigné lauréat en janvier 2023 avec un nombre de votes en chute libre. A ce jour, nous n’avons aucune nouvelle de l’avancée du projet. Là encore, les citoyens avaient leur place y compris dans l’examen des dossiers puisque 3 Mayennais volontaires ont participé aux différentes réunions. Certains d’entre eux en sortent déçus.
La richesse d’une ville repose beaucoup sur son tissu associatif. C’est notamment le cas à Mayenne où nous pouvons compter sur de très nombreuses associations qui fédèrent et font vivre le territoire. C’est une chance. En tant qu’élus, nous les rencontrons très fréquemment, qu’ils s’agissent d’Assemblées Générales et d’évènements. Certains d’entre elles sont mêmes conviés dans les commissions municipales et communautaires. Pourquoi pas, nous avions nous même proposer lors des élections municipales d’intégrer à la réflexion des associations de manière ponctuelles, lorsque les sujets méritaient un avis.
Depuis le début du mandat, nous constatons de certaines sont quasiment présentes à toutes les commissions thématiques les concernant. Se pose alors la question suivante : quel est leur rôle au sein de ces instances ? En effet, les élus tirent leurs légitimités de l’élection, les associations de leur expertise. Toutefois, de la même manière que pour le jury citoyen, il nous parait important de rappeler que c’est aux élus de décider. C’est le principe de la démocratie représentative. Les associations, quant à elles, émettent un avis. C’est pour cela que, au moment de la décision finale, même si elles ne prennent pas part au vote, les associations ne doivent pas siéger.
Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Les élus doivent assumer leur rôle, ce n’est pas aux associations de combler le vide.
Être élu n’est pas chose facile. Qu’on siège dans la majorité comme dans l’opposition, quelle que soit la collectivité, cela requiert nécessairement de l’engagement, du temps à consacrer à son mandat et beaucoup de travail. Charge à chacun d’assumer ses responsabilités car c’est que ce tous les élus doivent à celles et ceux qui leur ont accordé leurs suffrages. 25 élus de la majorité siègent au conseil municipal, 16 au conseil communautaire. Nous constatons un engagement inégal et nous le regrettons car cela se ressent dans le travail des collectivités.
Sur la forme, parmi la gouvernance municipale, certains assument clairement leurs charges et se mettent au service de la population. Nous le reconnaissons sans aucune retenue. Mais nous regrettons que d’autres envisagent leur mandat comme un poste plus qu’une responsabilité. Et cela se remarque très facilement sur les feuilles d’émargement. Certains élus refusent de participer à des réunions en journée parce qu’ils travaillent alors qu’ils perçoivent une indemnité censée compenser le temps passé dans son mandat au détriment de son temps professionnel. A ce jour, une élue de la majorité est toujours considérée comme conseillère municipale alors qu’elle n'y siège plus depuis mi 2021. Certains élus de la majorité, non élus communautaires mais inscrits en commissions communautaires, n’y ont jamais mis les pieds. Il y a mêmes des groupes de travail communautaires où la ville de Mayenne est représentée uniquement par son opposition !
Assumer son mandat, c’est aussi être capable d’accepter le débat et la contradiction. Chacun à le droit d’exprimer ses idées et ses choix, majorité comme opposition. D’ailleurs, le débat ne se nourrit que de contradiction, sinon il n’a pas d’intérêt.
Trop souvent, nos propos, même argumentés, sont présentées comme des critiques par principe parce que nous sommes l’opposition municipale.
Nous représentons près de 43% des électeurs, nous sommes autant légitimes que les élus de la majorité municipale. Ne pas respecter l’opposition, c’est ne pas respecter une large partie de la population.
Rédaction : décembre 2023