Mayenne : nouveau projet, nouvelle ville.
Depuis maintenant de nombreuses années, le phénomène de désertification médicale prend de plus en plus d’ampleur, en particulier à Mayenne et dans le Nord Mayenne. La population est inquiète car elle est touchée dans son quotidien.
Médecine générale, médecine hospitalière, professions du soin ou paramédicales… La liste des pénuries est longue. Face à un constat, charge à nous tous, élus et habitants, de nous rassembler pour faire pression auprès de l’État, mais aussi d’audace et d’inventivité pour prendre notre destin en main.
Depuis juillet 2022, 7 médecins ont quitté Mayenne, qu’il s’agisse de départ en retraite comme de départ vers d’autres territoires. En matière de médecine de ville, l’accès aux soins est dégradé.
De très nombreux habitants n’ont pas de médecins traitants, la situation est encore pire pour les spécialistes du quotidien : ophtalmologue, dentiste, gynécologue, diabétologue, etc. Il en est de même pour des communes aux alentours, notamment Oisseau qui a perdu ses 2 médecins.
Ce qui est alarmant, c’est de constater que Mayenne Communauté a construit un Pôle Santé de 2 400 m² à 3,4 millions d’euros qui se vide. Dans ce dossier, plusieurs erreurs ont été commises. D’abord, on a pensé le bâtiment avant de penser le projet des professionnels. Aux prémices de la construction, il était annoncé que le Pôle devait accueillir la maison médicale dans un esprit de travail en commun, de mutualisation et d’anticipation. En réalité, il n’y a pas une mais deux maisons médicales qui y cohabitent sans réel esprit d’équipe. La situation y est dégradée, c’est un premier échec. Le second concerne le montage juridique. Bien que porteuse du projet, la collectivité n’est pas pour pourtant le bailleur puisque l’équipement a été vendu à Laval Mayenne Aménagement (LMA) via une procédure de Vente en l’État Futur d'Achèvement (VEFA). Pour faire clair, Mayenne Communauté ne contracte pas avec les professionnels de santé, c’est LMA. Cette stratégie est une erreur, et on en paye les conséquences à prix fort.
Il est urgent que des négociations soient entreprises pour que Mayenne Communauté puisse être partie prenante du fonctionnement du Pôle Santé. Les professionnels de santé qui y exercent sont certes libéraux, mais n’oublions pas que le bâtiment a été financé par des fonds publics.
L’hôpital public est une compétence de l’État. Le Maire de Mayenne est certes Président du Conseil de surveillance du Centre Hospitalier du Nord Mayenne mais ses prérogatives sont plus que limitées. Le CHNM a un très fort atout : le soutien de la population. Mais, malheureusement, cela ne suffit pas.
Nous devons faire face à une double pénurie : les médecins hospitaliers et les infirmiers. Les ressources humaines sont en tension permanente. Les conséquences sont sans appel : des fermetures de lit voire des fermetures de services. Depuis le début de l’été 2023, 67 lits ont été fermés au CHNM. Les urgences ferment leurs portes très régulièrement. Le service public est dégradé.
Il est à craindre des épisodes à venir encore plus douloureux. Avec la pénurie de professionnels, le Ministère de la Santé estimera qu’il n’y a pas assez de débit en matière d’interventions chirurgicales qui seront transférées vers d’autres hôpitaux. Qui dit pas de chirurgie dit pas d’anesthésie. Qui dit pas d’anesthésie dit pas de maternité. Qui dit pas de maternité dit petite mort du territoire. Il est urgent que les pouvoirs publics prennent la mesure de la situation.
Comme le Conseil de surveillance l’a écrit dans un communiqué en juin dernier, « il est temps de donner aux urgentistes et aux professionnels paramédicaux l’ensemble des outils nécessaires pour assurer avec le maximum d’efficacité et de sécurité pour les patients, toutes leurs missions. Il y va de la pérennité de l’ensemble de notre système de santé ». Chacun ne peut qu’approuver ce message. Charge aux élus que nous sommes, quelles que soient nos obédiences, de faire pression auprès de l’État pour que la population puisse bénéficier de son droit fondamental à pouvoir se soigner.
Au regard de la loi, l’État est censé être en première ligne lorsqu’on parle de politique de santé public. Nous l’avons vu, les réponses tardent à arriver, les décisions ne sont toujours pas prises. Face à cette situation de désengagement, les collectivités doivent faire preuve d’initiative pour faire ce qui devrait être fait par l’État. Un comble !
Dans cet esprit, Mayenne Communauté a pris la décision unanime de prendre la compétence « Centre de Santé » en mai 2022. L’objectif est de proposer un équipement qui réponde aux besoins de la population avec de nouvelle organisations d’offre de soins. C’est ainsi que le Centre de Santé de Martigné-sur-Mayenne a été créé avec, en son sein, une médecin du CHNM qui est salariée à mi-temps par Mayenne Communauté en médecine générale, l’autre moitié de son temps restant dédié à ses missions hospitalières. Ce sont plus de 1 080 personnes qui ont retrouvé un médecin traitant grâce à cette offre. Un second médecin a rejoint l’équipement. Pour le Sud du territoire, cette initiative a apporté de la respiration. Malheureusement, le nombre de personnes sans médecin traitant reste inchangé et très élevé à Mayenne. Notons enfin que, grâce à la collaboration étroite entre la mairie et l’intercommunalité, un médecin généraliste a ouvert son cabinet médical à Champéon en mars dernier.
Ce dossier du centre de santé pose la question du salariat des médecins, de plus en plus débattues. Le salariat est-il la solution miracle ? Non car les collectivités qui ont fait le choix d’un salariat massif des médecins n’ont pas tous réussi à enrayer la situation. Aussi, tous les médecins ne recherchent pas le salariat, beaucoup sont attachés à leur profession libérale. C’est leur liberté. Toutefois, le salariat fait partie d’un panel de réponses. Il faut donc explorer toutes les possibilités, dont le salariat. D’ailleurs, pourquoi Mayenne Communauté ne pourrait-elle pas envisager de salarier des médecins dans le Pôle Santé ? Nous le rappelons, il s’agit d’un bâtiment public.
La pratique de la médecine connaît des bouleversements, d’autres ne manqueront pas d’arriver dans les années à venir. Parmi eux, il y a l’apparition d’une nouvelle profession : Infirmier de Pratique Avancée (IPA). Un IPA est un infirmier diplômé qui exerce des missions et des compétences médicales jusque-là dévolues aux seuls médecins. L’objectif est d’améliorer l’accès aux soins ainsi que la qualité des parcours des patients en réduisant la charge de travail des médecins sur des pathologies ciblées. A ce jour, une IPA exerce au Pôle Santé de Mayenne.
Il en est de même pour les délégations de tâches qui s’opère petit à petit, notamment avec les pharmaciens. Aujourd’hui, les pharmaciens peuvent intervenir sur la vaccination des plus de 11 ans, de la prescription à la vaccination elle-même. A partir de janvier 2024, si les décrets d’application attendu pour juin l’autorisent, ces professionnels pourraient soigner directement les angines et les cystites sans passer par la case médecin. Comme avec l’IAP, le médecin est donc libéré de certaines tâches, lui permettant donc de bénéficier de plus de temps de soins.
Il existe aussi des solutions à plus long terme comme le Contrat d’Engagement de Service Public (CESP) qui vise à fidéliser les jeunes médecins dans les spécialités et des lieux d’exercice fragile où la continuité des soins est menacée. Concrètement, la collectivité s’engage à verser une allocation mensuelle aux étudiants en médecine à partir de leur 2ème ou 3ème année jusqu’à la fin de leurs études. En contrepartie, l’étudiant s’engager à exercer leurs futures fonctions de médecins dans une zone où l’offre de soins est insuffisante, et ce pendant un nombre d’années égal à celui durant lequel ils auront perçu l’allocation. Dans le cas contraire, le jeune médecin devra rembourser la totalité des versements. Il serait pertinent de se rapprocher des nos étudiants mayennais, notamment ceux qui sont en 1ère année de médecine à Laval, pour faire la promotion de cette mesure « gagnant-gagnant ».
La population a son rôle à jouer dans la régulation des actes médicaux. De plus en plus souvent, les patients ne sont plus des usagers mais des consommateurs de médecine. Cela a pour conséquence une surcharge de patientèle chez le médecin dont une partie d’entre elle pourrait être évitée.
En cela, la notion de prévention est primordiale. La collectivité prend sa part d’initiative dans son Contrat Local de Santé (CSL), très tourné vers la santé mentale. Les acteurs locaux, notamment les associations, doivent aussi être moteurs. C’est notamment le cas pour le sport-santé qui se développe de plus en plus, c’est-à-dire le lien entre l’activité physique et les conditions d’une bonne santé à la fois physique et mentale. Charge à chacun de se réinventer, de se questionner, voire de se bousculer sur ses modes de vie.
Le patient doit aussi accepter que les pratiques médicales changent, notamment grâce au développement des nouvelles technologies. Il faut donc s’adapter. La télémédecine n’est pas une solution miracle, mais elle contribue à désengorger les salles d’attente des médecins. Il faut pouvoir accompagner les patients dans l’appréhension de ces équipements qu’ils peuvent retrouver en cabinet ou en pharmacie. A Mayenne, les téléconsultations représentent environ 3 ordonnances par jour dans l’unique pharmacie qui propose cette offre, pourtant les patients ne sont pas allés consulter directement un médecin. Ajoutons que la télémédecine permet de procéder des à des renouvellements ponctuels ou ordonnances pour affection légère via des sites internet dédiés.
Toutes les solutions envisagées ne pourront être opérantes et efficaces que si une mesure primordiale est mise en œuvre : la définition d’une stratégie d’attractivité du territoire. Les professionnels de santé ne s’installent pas en Mayenne beaucoup par méconnaissance du territoire. Et là, la collectivité a tout son rôle à jouer.
Malheureusement, les initiatives sont défaillantes. Quand une commune veut attirer un médecin, il n’est plus possible aujourd’hui de vendre un territoire vert, calme où chantent les petits oiseaux le matin au réveil. C’est encore comme cela que certaines communes communiquent. Cela véhicule le message suivant : « En Mayenne, on est loin de tout ». Comment voulez-vous qu’un médecin de 30 ans qui cherche à s’installer avec son ou sa conjointe et des enfants vienne s’installer en Mayenne ? Il faut être clair : dans un contexte de concurrence entre des territoires qui subissent comme nous la désertification médicale, la collectivité n’a pas d’autre choix que de se démarquer. Cela s’appelle le marketing territorial. Sur ce point, tout est à faire à Mayenne Communauté ! Cela ne concerne pas uniquement la démographique médicale, c’est un sujet bien plus global.
L’accès au soin est un sujet d’intérêt général. Il dépasse les clivages politiques car il rassemble, en plus localement. Mais rappelons que rien de changera dans le fond si l’État n’assume pas ses responsabilités.
Des propositions trouvent de plus en plus d’écho, c’est le cas de la régulation des médecins. Là encore, ne pensons pas que la régulation sera la solution miracle qui va tout révolutionner. Faut-il y réfléchir ? Oui, bien sûr, dans un panel large de réponses car les problématiques sont multiples. Le sujet principal reste la question du financement de la santé. Sans budget digne de ce nom, les initiatives finiront par être vaines. .
Rédaction : mars 2024