Mayenne : nouveau projet, nouvelle ville.
Avec l’économie, le logement et la santé, la mobilité est un sujet majeur d’attractivité du territoire. Aujourd’hui indispensable, elle doit répondre à des enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Certains modèles sont réinterrogés, des évolutions sont nécessaires. Quelle est la situation à Mayenne et Mayenne Communauté ? Faisons le point.
La mobilité est ce qu’on appelle une compétence partagée, c’est-à-dire que plusieurs collectivités peuvent mettre en place des politiques publiques en matière de mobilité. C’est le cas de la Région qui a en charge, sur notre territoire, la gestion du transport à la demande (plus connu sous l’ancien nom du Petit Pégase) et le transport interurbain, c’est-à-dire le transport en commun entre plusieurs communes (par exemple la navette Mayenne-Laval).
Jusqu’au 30 juin 2021, la mobilité était aussi une compétence de la Ville de Mayenne. A partir du 1er juillet 2021, par application de la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), la compétence a été transférée, sur décision du conseil municipal et du conseil communautaire, à Mayenne Communauté qui est devenue Autorité Organisatrice des Mobilités (AOM). L’intercommunalité a donc en charge la gestion du transport urbain (May’Bus à Mayenne), la mobilité active (vélo) et la mobilité partagée (covoiturage).
A l’occasion de la prise de compétence Mobilité, Mayenne Communauté a fait le choix (non obligatoire) de mettre en place le versement transport. Il s’agit d’une taxe sur les entreprises et services publics dont le but est le financement des dépenses de fonctionnement et d’investissement en matière de mobilité. Cette taxe ne peut être mise en place que si le territoire bénéficie d’un transport urbain régulier, c’est le cas avec le May’Bus à Mayenne. Les structures qui versent cette taxe sont celles qui ont un minimum de 11 salariés, à hauteur de 0,20% de leur masse salariale.
Cette taxe, qui est un impôt sur les entreprises sans en porter le nom, est injuste. En effet, le versement transport finance quasi exclusivement le transport en commun à Mayenne. Or, comme celui-ci ne roule que l’après-midi du lundi au samedi, les entreprises et services publics financent un service dont ils n’ont pas l’usage. Une infirmière du CHNM, un ouvrir en 3x8 ou un employé de bureau auront tous le même problème : le transport en commun est inadapté à leurs horaires de travail.
Pour que ce service soit cohérent, il faut qu’il réponde aux réalités d’usages c’est-à-dire avec des roulements à la journée et des boucles étendues à la première couronne autour de Mayenne (au-délà, il s’agit d’une compétence Région). La collectivité doit prendre la mesure de cette nécessité, elle-même demandée par les entreprises. Certaines d’entre-elles vont jusqu’à inventer leurs propres initiatives de mobilité des salariés. L’attractivité économique passe aussi par la mobilité. Et on sait très bien que les difficultés de mobilité sont aujourd’hui des freins à l’emploi.
Après son élection, la majorité municipale a annoncé le développement de la mobilité cyclable comme une priorité. Chose promise, chose due. Elle a tellement priorisé le vélo qu’elle en a oublié les autres mobilités. Le Schéma de Mobilité Simplifié de Mayenne Communauté en est la preuve : 16 millions d’euros pour le vélo contre 400 000 € pour les autres mobilités. Et malgré ce budget plus que conséquent, le résultat se fait attendre…
La stratégie des élus en charge du dossier se résume en une phrase : « l’offre crée la demande ». Quel est le constat en matière de mobilité cyclable à Mayenne ? Les abords et sorties des ponts ne sont toujours pas aménagés. Certaines voies cyclables s’arrêtent net, sans liaison avec d’autres. Les aménagements se limitent à du marquage au sol. Les piétons et les vélos cohabitent toujours sur les trottoirs. Le mobilier urbain nécessaire à la mobilité cyclable est inchangé. Le résultat de cette stratégie est sans appel : pas plus d’usagers du vélo car la circulation n’est toujours pas sécurisée.
Une mesure « innovante » a pourtant failli voir le jour : le bitumage de 17 km de voies vertes entre Mayenne et La Chapelle au Riboul. L’objectif était de favoriser la circulation des vélotaffeurs (celles et ceux qui utilisent le vélo pour les trajets domicile-travail) et éviter qu’ils ne se salissent par temps de pluie… Le tout pour 1,1 million d’euros ! Nous avons été les seuls élus à s’opposer publiquement à cette initiative. Force est de constater que nous avons été entendu car, après une levée de bouclier plus que prévisible de la population, cette mesure a été abandonnée.
La mobilité cyclable ne doit pas être pensée pour les seuls usagers du vélo. Elle doit faire partie intégrante d’une véritable stratégie d’aménagement urbain. Nous l’attendons toujours…
En mars 2022, la Ville de Mayenne passait sa vitesse en agglomération à 30 km/h. Nous nous étions abstenus par manque de cohérence entre des rues non concernées alors que dangereuses, notamment devant les établissements scolaires, et d’autres artères où la mesure était moins justifiée. Nous avancions alors que la sécurité en ville n’était pas seulement une question de limitation de vitesse, bien qu'incontournable, mais aussi une question d’aménagement urbain.
Près de 2 ans après, la municipalité constate une mesure « pas toujours respectée » mais un nombre d’accidents « stable », une «erreur de communication» mais une possible future «répression», une nécessaire baisse des «nuisances sonores» alors que «le centre-ville était déjà à 30 km/h», «des premier effets» constatés et des chiffres avancés sans savoir si des études d'évaluation ont été effectivement réalisées.
L'évaluation de la limitation de vitesse en agglomération ne doit pas reposer sur du ressenti mais sur du concret. Elle doit être objectivée par des données chiffrées et sourcées, aujourd'hui inconnues : les mesures du niveau sonore avant/après, le nombre d'accidents matériels avant/après, le nombre d'accidents humains avant/après, le report vers les mobilités actives et partagées avant/après…
Comme pour le bitumage des voies vertes, la décision apparaît guidée par le dogme et non par la réflexion. Pourtant, la limitation de la vitesse en ville est un sujet essentiel qui mérite une approche plus globale.
Lorsqu’on parle de mobilité, on pense très souvent à la voiture ou au vélo. Pourtant, il y a un usager de la mobilité qui est primordial mais souvent oublié : le piéton. D’ailleurs, il n’y a pas un piéton mais des piétons : les valides, les aînés, les familles avec poussettes, les personnes à mobilité réduite (PMR), etc.
Aujourd’hui, circuler à pied dans Mayenne relève d’un parcours du combattant. Les trottoirs sont étroits et mal entretenus donc dangereux. Qu’il s’agisse des rue Aristide Briand, Jules Ferry ou du 130ème Régiment d’Infanterie, une personne à mobilité réduite ne peut pas croiser une famille avec poussette, obligeant à descendre sur la chaussée. Des initiatives contestables ont été prises, la collectivité a d’ailleurs très mal communiqué sur leur mise en place. Prenons l’exemple de la zone de rencontre de la rue Charles de Gaulles. Le piéton y est prioritaire sur le vélo qui est lui-même prioritaire sur la voiture. La municipalité a été jusqu’à disposer des gros pots de fleurs sur les trottoirs pour obliger les piétons à marcher sur la chaussée. Cet aménagement a donc légitimement suscité un sentiment d’insécurité pour les piétons. Là encore, il est question d’aménagement urbain. La priorité doit être la sécurisation des piétons. Nous appelons donc de nos vœux un plan pluriannuel d’investissement pour la sécurisation et la modernisation des trottoirs et des chaussées.
Mayenne Communauté a définitivement adopté son Schéma de Mobilité Simplifié (PMS) au début de l’année 2023. Force est de constater que ce document est surtout le schéma cyclable du Pays de Mayenne. Il suffit d’analyser des cartes avec les projets d’investissements : ils concernent quasi exclusivement des aménagements cyclables et il n’y a aucun projet fléché au-dessus d’une ligne La Haie-Traversaine / Montreuil-Poulay / Champéon. Dommage, lorsqu’on met en place des politiques communautaires, elles sont censées être guidée par l’équité territoriale.
Ce constat est regrettable car les habitants du Nord de Mayenne Communauté subissent les difficultés de mobilité. Le PMS met 16 millions d’euros sur la table pour les aménagements cyclables mais est-ce pertinent pour un habitant de Charchigné qui va faire ses courses à Mayenne ou un habitant de Parigné-sur-Braye qui travaille à Martigné-sur-Mayenne ? Non, ce n’est pas le vélo qui sera la réponse à ces problématiques de mobilité. Mayenne Communauté a conclu un partenariat avec l’application Klaxit pour développer le covoiturage. C’est intéressant mais là encore insuffisant. D’ailleurs, les utilisateurs de Klaxit déjà, pour la majorité d’entre eux, déjà des usagers du covoiturage. Il est donc très difficile d’analyser la réalité de l’usage de cette application.
La mobilité dans notre territoire nous invite à nous poser la question suivante : quelle politique d’attractivité souhaitons-nous promouvoir ? Aujourd’hui, la mobilité est un frein à la fidélisation des nos habitants.
Aujourd’hui, la mobilité est un frein à l’accueil de nouveaux habitants. Aujourd’hui, la mobilité est un frein à l’emploi. La mobilité n’est pas seulement une politique sectorielle, c’est un axe majeur de développement territorial. Il est nécessaire d’avoir une approche globale et pragmatique. C’est un enjeu économique. C’est un enjeu social. C’est même un enjeu de survie de notre territoire.
Rédaction : décembre 2023